L comme Libido

Le sexe, l’envie, le désir, avoir envie de l’Autre, de soi…

Impossible de disséquer tous les états d’une Abaissée dans cet abc sans bien sur parler de sa libido.

Abaissée ou mal baisée Anna ? Abaissée, je vous le rassure.

Si selon certaines études la vie stressante du travail nuit à la vie sexuelle des travailleurs, le chômage ne la booste pas pour autant.

Là encore je refuse de laisser aux travailleurs le monopole de la fatigue, belle excuse pour s’affranchir des galipettes nocturnes (ou diurnes).

Le chômeur, ce passif, se doit d’être actif à l’horizontal pour compenser son manque d’activité due à l’absence de travail.

J’ai fouillé et je n’ai pas trouvé d’études d’un quelconque institut de sondage sur le sujet, (quand je vous dis que les chômeurs sortent des radars).

Je n’ai pas mené non plus d’enquêtes sur le sujet auprès de mes amis chômeurs ou travailleurs, la mission est indélicate vous en conviendrez.

Que ce soit dans les stat’ de l’INSEE ou bien sous la couette, le chômeur devient le passif.

A défaut de chiffres exacts, j’ai quelques pistes pour expliquer la panne de la chômeuse. Et la première cause est le refus, ceux qu’elle essuie régulièrement et qui finissent par atteindre son égo puis sa libido.

« On ne vous veut pas ».

« On ne vous désire pas ».

Pire, certains précisent même que ce n’est pas de votre faute mais c’est juste une question d’alchimie.

Bref on n’a pas envie de vous. Vous ne faites pas envie.

Après de long mois à chômer, c’est Pôle Emploi qui vous baise sans préliminaire et surtout sans votre consentement. Et avec lui, pas de migraine à prétexter.

Quand les autres vous disent non, petit à petit, vous devenez cette poupée qui à son tour dit « non, non, non, non, » même si on lui a appris à dire oui …

Ne pas être choisie. Ruminer sans cesse les raisons de ces refus. Trop de QE peut nuire au désir. Comment en effet libérer son cortex pour y laisser pénétrer … d’autres pensées, plus osées.

Peu à peu la chômeuse fuit ses rdv libidineux :

  • Pour des raisons physiologiques : comme l’actif, le chômeur de par sa grande activité liée à l’introspection qu’elle mène, nuit et jour, peut aussi avoir mal à la tête, et être fatiguée tout comme un actif (Cf V comme vacances).
  • L’ambiance et le décor sont également à prendre en compte. La chômeuse a besoin de dépaysement : de sa chambre, elle fait tout : dormir, bien sur, postuler aussi, au point d’avoir transformé son lit en bureau, parfois même en bureau des pleurs. Un espace de plus en plus incompatible avec une quelconque position du Kamasutra.
  • Pour des raisons physiques, enfin, avouons-le : en troquant ses talons et son mascara contre un jogging et un Labello, la chômeuse fait de moins en moins envie.

Et pourtant s’il y a bien une activité qui devrait la mobiliser c’est bien celle de la recherche du plaisir, celui de la chair. Celui qui rend les joues rouges et qui la rend belle.

A défaut d’être active et productive le jour, la chômeuse devrait se déchainer. Une activité sexuelle et régulière lui serait si salvatrice. Elle lui confèrerait une utilité : donner du plaisir à l’autre et accessoirement, en prendre, et retrouver ainsi la sensation de l’épuisement physique.

Mais la motivation n’est pas là. Elle s’est diluée dans les lettres.

Dans son état, regagner confiance serait déjà de bons préliminaires pour atteindre le Nirvana.

 

 

 

U comme Universel

A vous lecteurs, travailleur, actif : vous vous croyez sans doute immunisés contre le chômage ?

Non bien sur, cela peut aussi vous arriver vous dites-vous. Mais vous, actif, voire pro actif, vous saurez certainement rebondir pour ne pas devenir assisté. Quand on veut on peut, on vous le répète depuis que vous êtes enfant.

Mais ne jouez pas les malins car ça peut, aussi, vous arriver.  Ca vous est même déjà arrivé mais vous ne le voyez pas.

Le travail comme papa et maman ont connu avec la 5ème semaine de congés payés, le CE, le repas de Noël et les tickets restaurants – n’existera plus. Tout cela est bientôt fini et vos larmes n’y pourront rien changer.

A vous lecteurs, travailleur, actif : n’ayez crainte ! Vous ne deviendrez pas pour autant des chômeurs. Votre statut sera universel et vous confèrera un salaire. Un salaire universel. Un salaire qui vous permettra de garder la face et vous épargnera les remarques désobligeantes aux repas de famille.

Du chômage de masse à l’universalisation du non travail….

A vous lecteurs travailleurs, actifs toujours débordés qui m’avez juré tous les saints que vous rêviez d’avoir du temps pour faire de la zumba, du bénévolat, du tricot, un trek en Amérique du Sud, vous occuper de votre famille, réjouissez-vous ! Vous salivez déjà ? Patience. Vous l’aurez votre bilan non pas annuel, mais personnel, non pas avec votre N+1 mais avec vous même. Du temps pour vous penser, vous redéfinir, vous positionner dans une vie où le travail ne sera plus indispensable.

Proposer le revenu Universel à chacun, et ce en sa qualité d’être humain. Chacun percevra une minimum « distribué sans condition, il délivrerait les bénéficiaires de toute démarche humiliante ou ardue, ainsi que de tout sentiment de culpabilité, puisque ce droit serait ouvert sans restriction à chacun, comme l’attribut naturel de tout membre de la société »[1].

L’idée n’est pas nouvelle. Dès le 18ème siècle, Thomas Paine,  la suggérait déjà. Aujourd’hui, face à la raréfaction du travail salarié, elle s’impose dans certains think tanks.

On va tous devoir penser nos vies sans la valeur travail.

On va tous devoir redéfinir certaines notions qu’on pensait immuables telles que la réussite, la performance, le mérite.

Qu’allons-nous donc faire si nous sommes dépourvus de la nécessité de travailler ? Allons-nous tous devenir bénévoles ? Allons-nous tous monter des associations ? Allons-nous tous faire des expos ?

Vous n’y croyez pas ? Pure spéculation vous dites-vous ? Et pourtant …

Le gouvernement finlandais a déjà annoncé un projet de loi en ce sens. Et le système du revenu de base a déjà été expérimenté, en Alaska, où l’on a affecté à son financement une partie de la rente pétrolière. L’expérience a montré que les bénéficiaires, pour la plupart, ou bien gardaient un travail rémunéré, ou bien consacraient leur temps à des activités utiles à la société. Moins de 5 % d’entre eux choisissaient l’oisiveté intégrale.

La moitié des bénéficiaires a gardé un travail rémunéré … Cette moitié perçoit donc ce salaire universel et choisit de garder son emploi, par choix donc, choix de vie ou de philosophie. Cela en dit long sur la difficulté à se structurer sans travail. Un peu comme ces grands gagnants du loto, certes marginaux, qui veulent garder une activité professionnelle pour se structurer.

Ce n’est donc pas si évident de se projeter sans travail et ce, même si on a un revenu qui nous assure le toit, une assiette chaude et même un peu plus. Même si « Mr » travaille beaucoup, pour deux comme on dit, certaines personnes ont besoin de se réaliser en travaillant. Peu importe s’il existe d’autre sources d’épanouissement. Si travailler permet de nous rendre heureux acceptons alors qu’on peut être malheureux quand il fait défaut.

Ce n’est pas universel. C’est personnel.

[1] Libération 16/8/2015

J comme Jessie

Jessie

Dans Toys Story les héros sont des jouets. Des jouets qui s’animent dès que leur propriétaire leur tourne le dos. Au delà du film d’animation très bien réussi, beaucoup y ont vu de nombreux messages, parfois même subliminaux.

Je n’y ai vu qu’une métaphore, celle de l’éternité : les jouets doivent-ils être usés, cassés, donnés, voire même oubliés, ou bien, doivent-t-ils perdurer et trôner sur des armoires comme le sont les cadres des défunts êtres aimés.  Doit-on vivre, essayer, tenter, tomber et se relever, ou se protéger en ne tentant rien. Et attendre.

Vivre me direz-vous ! Bien sur. Qui n’est pas requinqué à la lecture de ses devises positives mais si naïves partagées sur les réseaux « ceux qui pensent que c’est impossible sont priés de ne pas déranger ceux qui essaient »  ou encore « ceux qui n’ont pas essayé ne tombent jamais » sans oublier la célèbre formule : « après tout qu’as-tu  à perdre ? » Rien, en effet. Si ce n’est la fine, très fine couche d’estime qui me permet encore de tenir. Mais sinon pas grand chose à perdre.

Oser proposer, imaginer, créer même quand on est un peu à côté.

Un jour je décide de me jeter à l’eau en parlant d’un vague projet à un ami. Et c’est ainsi que le miracle arriva. Je revois donc cet ami, un ex collègue, et à cette occasion il me parle d’un « plan ». Le 100ème me dis –je. Il semble sérieux et me demande même mon cv. Mon CV …. Ce papier que j’avais tant froissé, tellement corrigé et que je ne voulais plus brandir. Ce papier, je voulais même le bruler.

Cet ami ne devine pas à quel point je suis lasse. A quel point, je la connais cette chanson. Pourtant, cette fois la partition allait être différente et concrète. Rapidement, promptement concrète. Cette fois on m’avait bien rappelée pour fixer un rdv qui s’est avéré être un vrai entretien. (CF E comme https://annaploime.wordpress.com/2014/04/10/e-comme-entretien/) puis on m’avait choisie. Le scénario idéal est devenu soudain réalité.

En 24 heures cet ami, appelons-le Woody, me propulse dans l’autre monde : celui des gens qui n’ont-plus-le temps, qui courent, font-deux-journées-en-une, ne profitent pas assez de leurs enfants qui grandissent trop vite, qui ne s’occupent pas assez de leur couple… le vrai monde, celui de ceux qui travaillent !

En 24 heures je bascule.

24 heures, à peine, pour déprogrammer les mois d’introspection et de rumination.

24 heures pour se mettre en mode ON.

En 24 heures, Woody m’a extirpée de ma torpeur, telle Jessie prostrée dans son carton dans l’attente d’être mise sous cloche dans un musée.

Face à lui je suis comme elle : surexcitée et débordante d’énergie, du moins à l’intérieur.

Ce jour de rentrée, je l’ai tellement attendu et fantasmé. Ce jour là, je n’ai pas encore de collègue mais je sais déjà qu’une amie m’attend, fidèle et peu bavarde, elle m’a tellement manquée : la machine à café.

Avec elle pas de « frapuccino moka-gingembre » (Cf S comme Starbucks) à 5 euros, ceux à la saveur originale mais avec l’arrière goût du chômage, mais un espresso aigre à 30 ct qui a le goût de la reprise ! Ces cafés, je les avale, je m’enivre de leurs odeurs, le bruit des pièces de monnaie et des gobelets composent même de douces mélodies, et je m’enveloppe dans ces attroupements matinaux formés par les « collègues ».  Que c’est bon … Ces échanges anodins, même les « ça va comme un lundi » me réchauffent, me remplissent, car moi ces lundis je les aime, et j’aime plus encore ces dimanches soirs pourtant d’ordinaire si anxiogènes.

Je jubile telle une petite fille surexcitée après l’ouverture de ses cadeaux de Noël. Je jubile comme Jessy qui découvre Woddy et avec lui l’espoir de retrouver, pour toujours, la lumière.

Comme elle je me sens vivre ; je ne veux pas retourner dans le noir, dans ma boite, vers un quelconque musée, celui des mères au foyer, des épouses parfaites. Je veux rester dans ce monde là, quitte à m’attacher comme des militants anti IVG à cette machine à café, quitte à installer ma tente Quechua dans l’open space comme les « Enfants de Don Quichote »  …

Je revis. Mon plaisir est un peu gâché par une angoisse : celle que tout s’arrête.  J’ai peur que cette pige ne soit qu’une parenthèse dans ma longue et périlleuse quête d’emploi. Je crains que le destin soit même vicieux : me faire de nouveau goûter aux plaisirs du travail, le mien celui que j’aime, pour très vite me l’ôter. Pendant la première semaine, puis la seconde je suis exactement comme Jessie : surexcitée, débordante d’énergie mais terriblement inquiète.J’ai eu tort, j’ai fini la saison, ravie, avec un égo regonflé, prêt à tout affronter. Ou presque.

Z comme Zorro

Zorro n’est pas arrivé. Avec ou sans masque, il ne m’a pas sauvée, tel un héros m’extirpant de mes écrans devant lesquels je me lamentais en guettant la réponse d’un potentiel recruteur.

Saint Emploi n’est pas descendu non plus. Je l’ai prié mais les voix du Dieu Travail sont, elles aussi, impénétrables.

Quant aux François, ils ne sont pas facilement joignables. Pape ou Président, les grands de ce monde sont définitivement bien loin de leur peuple.

Mais peut-être ont-ils bien fait …

En ignorant mes prières et mes requêtes, je me retrouvais bien seule.

Et c’est bien toute seule que je devais me sauver !

Ne plus attendre des autres. Ne plus attendre leurs signes ni même leur mail, tweet ou sms.

Ne plus être suspendue à leur éventuel projet, éventuelle collaboration, éventuel déjeuner éventuellement annulé et reporté aux calendes grecques car ils ont, eux, beaucoup de fers au feu …

Bref, ne plus dépendre de leur désir pour ne plus être aliénée !

La guerre je devais donc la mener seule, sans trêve.

Prendre les armes et aller au front !

Ok Zorro … Ton masque et ton épée désormais c’est moi qui les porterai.

Ces épées protectrices, d’autres bienveillants, les avaient pourtant déjà portées avant moi mais je ne le voyais pas, aveuglée par une activité chronophage : la dépréciation et donc la flagellation.

D’autres sauveurs, en effet, ont avancé masqués pour m’aider. Ingrid, Jenyfer, Greg, Véro, Laetitia, Julie, et Vincent à la technique. Et l’épée, ils n’hésitaient pas à la prendre dès que mon égo avait bobo.

Cette épée, aujourd’hui ils me l’ont définitivement donnée. Anna les avait rassurés. Elle savait désormais mieux se protéger. Elle avait enfin compris qu’il n’y avait pas de pire ennemi que soi-même.

Aujourd’hui elle est prête à porter l’épée et lève le masque.

Anna a sauvé Gaëlle et n’en n’est pas peu fière !

D comme déguisement

Le jour de mon mariage je ne voulais surtout pas être déguisée.

Pas de robe meringue donc avec cinq épaisseurs de tulle ni de chignon bien laqué et plaqué.

Et je ne l’ai pas regretté. 

J’ai toujours cru bien maitriser les règles de bienséance, notamment les codes vestimentaires.

Je pensais savoir ajuster mes tenues en fonction de situations différentes comme Cristina Cordula : telle tenue pour un mariage, un entretien, un pic-nique entre amis, un rendez-vous réseau, la première fois chez belle maman…

Je pensais vraiment maitriser tous ces codes jusqu’à ce fameux rendez-vous. 

Ce jour où j’ai eu l’immense, l’extrême honneur de rencontrer ces deux hommes,  consultants dans un prestigieux cabinet de conseil à deux pas des Champs Elysées.

Deux quadra en costume trois pièces et Berlutti aux pieds, bloc-notes et Montblanc à la main.

En les voyant arriver – l’un petit et l’autre grand, très grand genre Laurel et Hardy – je devine la confusion. Un rendez-vous avait en effet été pris avec l’un d’entre eux et le ton devait me semble t-il être informel. Je l’avais sollicité pour avoir un rendez-vous réseau comme on dit pour avoir des conseils sur le secteurs de la communication et du conseil.

Que les choses soient claires : ce rendez-vous n’était absolument pas un entretien d’embauche (d’ailleurs, je ne lui avais pas, volontairement, adressé mon CV). Ce devait être une prise de contact, pour élargir mon réseau.

Pour autant, je n’y suis pas allée en jogging ni en pantalon chino (les fashionista reconnaitront). J’ai bien sur porté un grand soin à ma tenue en empruntant les codes appropriés à ce type de rencontre : « Ma chérrrrriiiie, tu devras être classe, chic ourbaine mais oublies la veste blaser des années 80 » disait la Christina qui (je croyais) était en moi.

C’est donc en talons (Mellow Yellow) que je vais à ce foutu rendez-vous.

En talons donc et pantalon couleur jean brut avec le pli devant bien repassé, chemise slim violette à pois bleus (Gap) bien rentrée à l’intérieur, et manteau bleu marine (Kookaï).

Côté accessoire, j’ai opté pour un sac ultra chic (Chloé) … Oui la chômeuse a des goûts de luxe ! Une tenue soignée donc avec des marques tendance réputées pour leur élégance. Je n’ai pas tapé chez Morgan ni Jenyfer !

Pour la mise en beauté, le maquillage me semblait conforme à ce genre de rendez-vous : un teint clair et uniforme en évitant bien sur l’écueil orange façon uv++, mascara sur les cils, un fard à paupière accordé à la couleur de mes yeux, un blush discret et un rouge à lèvres lui aussi discret pour valoriser le regard … Bref rien n’est laissé au hasard. Je pensais justement envoyer de bons signaux : je soigne parfaitement mon allure mais voyez-vous je sais que ce rendez-vous n’est pas un entretien, voyez comme je maitrise les codes ! 

1h30 de testostérone plus tard et de « Moi-Je » (« et j’ai bossé dans tel cabinet ministériel », « et moi j’ai conseillé tel ministre » « je connais très bien le Dir cab de Fleur Pellerin». J’ai même cru un bref instant qu’ils allaient me parler de leur grosse … voiture), les deux pingouins m’expliquent la force et la noblesse du conseil, du lobbying, et les difficultés liées à ce métier. « Le conseil ce n’est pas la com ; c’est autre chose. Il faut être capable de mettre certains idéaux de côté pour défendre certains groupes » (un peu plus et ils se comparaient à des légionnaires).

«Seriez-vous prête, par exemple, à défendre l’industrie pharmaceutique ou celle de l’armement » me demande l’un des deux légionnaires en Berlutti. « Bien sur » lui dis-je, prête à tout pour maintenir le contact, élargir le réseau. J’envoie même un commentaire qui critique mes paires « Oh, vous savez le journalisme c’est aussi très souvent du lobbying » (ce qui n’est pas faux). A ce moment là je franchis un cap. A ce moment là je travestis mes opinions, je deviens un caméléon, je m’adapte … Certains pourraient même dire que je deviens opportuniste.

Je pensais avoir la tenue adéquate, le discours conforme, adapté à ce type de rendez-vous. J’ai su écouter, j’ai su réagir, j’ai su travestir mes opinions. Et pourtant ce fut insuffisant.

Pour eux, je n’étais pas assez déguisée. En conclusion du rendez-vous, le grand pingouin tel un ami qui me veut du bien me donne ce qu’il considère être un précieux conseil :

« Vous savez Anna (l’air un peu gêné) il faut quand même qu’on vous donne les clés : le conseil et même la communication (secteur plus méprisant à leurs yeux) sont des secteurs contre intuitifs, comprenez par là qu’il y a certains codes vestimentaires à maitriser (…) c’est comme ça. Nous par exemple on n’a pas forcément envie d’être en cravate tous les jours mais on le fait quand même ». 

De quoi me parle-t-il ? De qui me parle-t-il ? De moi ?!

J’encaisse. Une partie de mon cerveau continue à donner le change (les règles de bienséances, encore et toujours).

J’en ai beaucoup entendu depuis ces longs mois de chômage sur mon parcours: les trous dans mon CV (enfin mes grossesses) ma supposée hésitation entre la télé, la presse, le web mais jamais rien sur ma tenue ni mon style. C’est donc une première.

Je comprends très vite que mon pantalon couleur jean brut avec pli parfaitement repassé a fait écran à tout ce que j’avais pu dire de pertinent ou pas.

Je rentre chez moi dépitée, une fois de plus, mais surtout profondément vexée.

J’ôte ce pantalon qui m’a visiblement porté préjudice.

Je me démaquille, le mascara avait déjà coulé dans le métro (la colère et l’humiliation probablement).

En me regardant dans le miroir, je me promets comme pour ma robe de mariée de ne jamais céder au déguisement. Je ne déguiserai plus mes propos non plus.

Quand on se déguise, un jour ou l’autre, le masque tombe toujours !

S comme Starbucks

starbuck

Au chômage avoir rendez-vous au Starbucks n’est pas anodin. Rien avoir avec un banal café pris à la Brioche Dorée !

Avoir rendez-vous au Starbucks ce n’est pas simplement la promesse de découvrir une boisson aux saveurs saugrenues, ni même celle d’apprécier une excellente pâtisserie, à peine trop grasse.

Non, pour une personne sans emploi, avoir rendez-vous au Starbucks c’est bien plus que ça :

–       c’est déjà avoir rendez-vous avec quelqu’un et croyez-moi réussir à maintenir le lien social n’est pas évident !

–       c’est avoir rendez-vous avec une personne qui croit plus ou moins en votre potentiel et vous confère, le temps d’un frappucino, un statut socio – professionnel, aussi précaire soit-il.

–       c’est l’espoir de définir un nouveau projet professionnel.

–   c’est le début d’une nouvelle étape. Les prémices d’une nouvelle carrière. 

Au Starbucks vous y êtes presque. Là tout près. A la frontière avec l’autre monde : celui des actifs, ceux qui travaillent, produisent, ceux qui ont, ceux qui sont.

En notant un rendez-vous au Starbucks dans son agenda, on ne se sent déjà plus au chômage.

Il y a d’abord la posture :

–       Le jour J, on abandonne bien sur le jogging ou autres pièces fluides et larges qui supposent un certains mépris des derniers codes fashion du moment et on adopte un look  chic urbain car un magasin Starbucks est toujours implanté en centre ville. On se maquille et on s’habille à peu près comme pour un entretien. Voilà pour les codes.

–       on s’équipe comme une pro: ordinateur portable (ou tablette pour les chômeurs plus aisés ) chargeur, carnet, stylo et si on osait on déballerait même un rétro projecteur pour présenter son projet avec des slides en mode « présentation projet ».

Ensuite il y a le fond : les idées (Cf I https://annaploime.wordpress.com/2014/04/10/i-comme-idee/) les siennes et celles des autres).

Au royaume du macchiato vanillé, toute idée devient concept et tout concept devient projet …Tadadadada … Ca se passe comme ça au Starbucks Coffee !

Un mac’, une table avec lampe de bureau, une connexion Wifi et c’est parti ! On peut enfin rêver. On s’y voit déjà ! Non pas en haut de l’affiche mais sur l’affiche.

Au Starbucks, le chômeur se sent bien. Au milieu des autres, ceux qui débriefent leur réunion, révisent leur bac, refont leur CV, le « sans emploi» est avec les autres. Un peu comme ces personnes retraitées qui s’entêtent à grossir les rangs des files d’attente des caisses en pleine heure d’affluence …

Oui au Starbucks, le chômeur se sent bien. Ici pas de numéro d’identifiant, ni de mot de passe … Mais un prénom, le nôtre, écrit à la main sur notre gobelet et pendant quelques secondes (le temps d’une autre commande) on redevient quelqu’un. On s’adresse à nous sans nous poser cette redoutable question qui agace et finit par piquer «  Vous faites quoi dans la vie ? » Ici on s’affranchit de cette question.

starbuck

Drôle d’endroit ce Starbucks …. 

Sans le vouloir et sans même le savoir, la plus grande chaine multinationale de cafés est devenue un symbole : celui de la mixité. Elle réunit deux mondes que tout oppose : celui des actifs et des chômeurs.

Drôle d’endroit où ces deux mondes se croisent, se côtoient.

Drôles d’endroits ces Starbucks devenus en quelques années l’anti chambre officielle des chômeurs ; des chômeurs qui élaborent autour d’un pan cake sauce érable leur énième plan pour-monter-leur-boite.

Le temps d’un après-midi le chômeur n’est plus sans emploi mais en reconversion professionnelle. Oui la nuance est importante ; elle n’est pas que sémantique.

Pour ne plus être au chômage et ne pas se laisser dévaster par ses conséquences il faut avant tout ne plus être psychiquement inactif, ne plus être au chômage dans sa tête pour croire encore en soi.

Alors même à 5 euros le café (le grand) je suis prête à en boire des litres…!

M comme Maman, comme Mômeuse

Nathanaël Rouas nous a récemment présenté le concept du « Bomeur » pour nous parler de ces jeunes trentenaires bobos chômeurs.

On entend de plus en plus parler de ces Mumpreneurs ou bien des WorkingMum.

Bref de ces supers mamans qui gèrent vie pro et perso.

A mon tour d’imposer un néologisme: Mômeuses, mi-chômeuse mi-maman, être maman au chômage.

A priori, la contraction de ces deux mots est antinomique : une maman par définition travaille toujours, parfois même au-delà de ce que le code du travail a prévu. 

Une Mômeuse est une maman dont le job, inhérent à sa fonction est physiquement et psychologiquement éreintant, non rémunéré et encore moins reconnu par les siens ni même par un quelconque cabinet de recrutement. 

Très hybride, le statut de la Mômeuse est assez difficile à définir :

Mi ménagère, mi active

Mi fashion, mi jogging

Mi « fait maison », mi Picard

Mi épanouie, mi déprimée. 

Et le concept soulève quelques questions philosophiques: 

– Peut-on être considérée comme une personne « sans emploi » lorsqu’on est une maman de jeunes enfants ?

–  le travail non rémunéré est-il considéré comme tel ?

– si non, quel mot attribuer à ces femmes levées dès 7h chargées d’habiller, nourrir, débarrasser, ranger, accueillir, récompenser, expliquer, consoler, cajoler, corriger, éduquer, émanciper de jeunes êtres en devenir ?

– la rémunération fait-elle le travail ?

– qu’est ce que travailler ?

– travailler est-ce se réaliser ?

– l’émancipation des femmes est-elle devenue une réalité ? Un objectif encore à atteindre ou bien une totale utopie ? 

Bien sur, nous ne soumettrons pas ces questions à Eric Zemmour ni à ses disciples. En revanche, je serais ravie de pouvoir les soumettre à l’équipe des Maternelles, spécialiste des questions liées à la maternité, parentalité, sexualité après-l’arrivée-de–bébé, têtée, congé de parentalité, gémellité, fécondité, stérilité, parité, et autres mots en–té. 

J’ai tenté de contacter Elsa Grangier, la chroniqueuse super friendly de la team de France 5 aux 2600 followers, mais en vain.

Peut être était-elle « bookée », même « overbookée », comme toutes ces mamans que je croise sur le chemin de l’école et qui sont de facto exemptées de toutes sorties scolaires et autres contributions à la vie scolaire. 

Jalouse Anna ?

Et bien oui ! Oui, je suis jalouse de toutes ces WorkingMum toujours à la bourre quand elles déposent (ou jettent) leurs enfants devant l’école à 8H57, soit 3 minutes avant la sonnerie.

Tellement jalouse de leur excuse implacable : « Je ne peux pas je travaille »

Oui jalouse, car à elles on ne leur demande jamais de venir à la sortie à l’Aquarium, à la Ferme ou pire à la piscine pour aider la maitresse à habiller quelques 29 élèves.

Comme elles, j’aimerais ne pas avoir le temps pour :

– faire le marché et donc bouffer sans même culpabiliser des plats cuisinés avec du bœuf voire du cheval !

– éviter le tunnel 17h-20h pour cause de charrette comme on dit !

– écrire mes lettres de motivation quand je veux, et aller aux apéros pour networker !

Vous l’aurez compris, mon choix de vie n’a jamais été d’être mère au foyer.

Maman, oui ! Mais pitié avec un job épanouissant (ou pas), des tickets restau, des pots de départs et d’arrivée et des collègues à critiquer. 

Je ne suis pas la seule à le dire : le job de maman est bien plus stressant que la vie au bureau (cf : étude américaine, Council on Contemporary Families, mai 2014)

Et ce stress est multiplié par deux quand il s’ajoute à celui généré par une périlleuse quête d’emploi.

Oui la vie de Momeuse n’est pas facile! Et je profite de cette modeste tribune pour faire un appel à Marlène Schiappa, fondatrice du mouvement « Maman travaille » pour m’aider à plaider la cause des Mômeuses !

La Mômeuse est une femme souvent dans l’ambivalence : étriquée entre ses missions de maman et ses ambitions de carrière. Comme toutes les mamans elle adore ses enfants. Et comme de nombreuses femmes elle souhaite travailler comme sa mère, et sa grand-mère auparavant. Rien à voir avec un quelconque féminisme. Juste l’envie de se réaliser autrement qu’à travers la maternité.

La Mômeuse regarde souvent Les Maternelles, seule émission qui s’adresse aux mamans qui travaillent, ou pas. Pendant une heure, elle a l’impression qu’on s’adresse à elle. Elle : cette femme devenue maman.

L’émission terminée, elle retourne faire une machine avant de postuler en ligne … ou inversement.

Elle a jusqu’à 16h pour être efficace.

 

H comme Hurler

Aujourd’hui j’ai envie d’hurler.

Et en ce matin d’avril pluvieux en bonne chômeuse qui se respecte, je regarde, ou plutôt, je zone devant la télé en profitant gracieusement des indemnités que la société me verse. Je zappe et je matte comme chantait Passi et m’arête sur l’émission la plus féminine du PAF : le Grand 8 avec Laurence Ferrari, la même qui officie plus tard dans la journée sur itélé mais cette fois en tant que journaliste (et oui je suis aigrie mais je l’assume ; en politique comme sur le marché de l’emploi je suis contre le cumul des mandats surtout en période de crise)

Bref… je tombe sur un sujet consacré aux chômeurs, un sujet qui pose en creux les questions suivantes : les chômeurs sont-ils victimes ou responsables de leur inactivité? Si oui, faut-il ou non les contraindre à accepter des emplois en deçà de leurs compétences, de leur formation, de leurs prétentions ? Le sujet se termine sur une préconisation de Michel Godet, un économiste bien connu des médias qui ne se gêne pas pour insinuer que les chômeurs (surtout les plus diplômés) agissent comme des enfants gâtés.

Et pour le dire THE économiste choisit la métaphore bucolique et assène avec un petit sourire aux coins des lèvres, tout fier de lui « qu’on peut avoir un master de lettres et devenir fleuriste, ça mettra de la poésie dans les bouquets »[1]

Je bondis de mon canapé, remonte mon jogging ( autant rester dans les clichés : la chômeuse se laisse aller) et prends la première arme à portée de main : mon téléphone portable pour aussitôt twitter et répondre à coup de @ et de # à cet économiste qui visiblement ne connaît pas la réalité du terrain, ni les nouvelles méthodes de recrutement et encore moins ce que signifie rechercher un emploi en 2014, avec ou pas un bac+5.

Est-il vraiment sérieux ? Croit-il réellement que le problème du chômage s’explique en partie par le snobisme de nombreux chômeurs diplômés, prétentieux et probablement fainéants?

    – Dis Godet, sais-tu combien de candidatures sont restées lettres mortes pour des postes bien en deçà de mes prétentions ?

    – Dis Godet, sais-tu qu’il n’est pas simple d’être fleuriste ou même secrétaire avec un bac +5 !

   – Dis Godet, sais-tu qu’avec un Bac+5 notre profil est jugé « trop » ou « sur » dimensionné et par ces préfixes ne voyez surtout pas des compliments déguisés mais traduisez plutôt : trop diplômé(e) donc trop vieux et donc trop cher.

   – Dis Godet, crois-tu qu’il suffit simplement de revoir nos ambitions à la baisse pour remonter dans « le manège de l’emploi » comme tu sembles si bien le dire ?

Alors Godet, je t’invite à retourner dans ton centre d’étude, avec tes graph, tes stat et tes certitudes et comme c’est bientôt le 1er mai, je t’invite à prendre le tablier pour offrir quelques brins de muguet aux chômeurs pour leur porter chance … avec autant de bêtises dites à leur sujet, ils ont en effet besoin d’un peu de poésie pour célébrer la fête du travail !

 

[1] Le Grand 8, mardi 29 avril 2014

Y comme Yo-Yo

Le Yo-Yo, drôle d’expression pour désigner les variations de prise de poids engendrées par les régimes amaigrissants.
Deux syllabes qui illustrent aussi les fluctuations de l’humeur engendrées, elles, par le chômage de longue durée.

Oui, Yo-Yo c’est ça …

Un jour looseuse.
L’autre, euphorique, prête à conquérir le monde.
Pile ou face selon l’humeur du jour. « Up&down ». 
Pas de panique : vous n’êtes pas bipolaire vous (n’) êtes (qu’) au chômage !

Pas de balance pour vous signifier toute fluctuation d’humeur.
Pas d’unité de mesure pour évaluer ce truc qui nous permet d’y croire encore, ce truc qui nous permet de nous projeter, ce truc tellement précieux qu’on appelle la confiance en soi… Un truc qui se passe dans la tête. La Une « Elle » nous l’affiche « Réussir au travail c’est aussi dans la tête ».
Ok mais comment fait-on quand notre tête justement est à l’envers et notre moral même plus dans nos chaussettes ?
Dans ce cas, aucun régime miracle pour nous regonfler.
J’aimerais tellement le rencontrer le Dukan de l’hyper confiance en soi ! Avec ou sans protéine, avec ou sans féculent, je suis prête à l’observer ce foutu régime. Pas de coach amateur qui me préconise la méthode Coué avec, à la clé, un renforcement narcissique superficiel qui tient un mois ou deux. Non. Pas de yo-yo ! Un vrai régime qui me promet de stabiliser une bonne fois pour toute la confiance en soi.
De la confiance, j’aimerais en prendre par kilos, j’aimerais que ça déborde ! Sur les hanches, les cuisses et même sur les fesses, quitte à friser la crise de boulimie !
Douter bien sur…. mais pas une semaine sur deux, un jour sur deux, une heure sur deux.

Etre au chômage c’est :
– être à la marge,
– ne plus faire,
– ne plus avoir,
– ne plus être productif,
– penser ne plus savoir et ne plus savoir faire

Dans ce cadre, comment garder la confiance en soi ?

En fin de droits, on est essoufflé(e), épuisé(e), découragé(e).
Comment rester dans la course quand les autres sont loin, très loin devant nous ?
Alors oui, on cède au découragement comme certains craquent devant un éclair au chocolat. Et aussitôt on culpabilise comme après l’avoir mangé cet énorme éclair. Et hop on se remotive en reprenant de bonnes résolutions …  Yo Yo !

« Faut pas se décourager (…) c’est vrai que vous êtes restée longtemps sans travailler donc ça ne rassure pas les recruteurs potentiels. Vous avez de bonnes expériences mais pour en avoir de nouvelles il faut être force de proposition ; haut les cœurs ! » Ose me lâcher avec un ton péremptoire un cadre antipathique d’une radio nationale, persuadé de ne jamais se retrouver à ma place.
Une phrase de plus qui m’assomme un peu plus. 

Aujourd’hui je sais qu’il est vain de lutter contre ces fluctuations.
J’ai appris à les accepter grâce à régime simple à base de bon sens et surtout d’indulgence :
– optimisez vos recherches les jours d’euphorie, même si cela ne dure qu’une petite heure. Profitez de ce moment pour vous lâcher : appelez la terre entière, likez, twittez, postulez, sollicitez, et souriez !!
– faîtes le dos rond dès que le doute se profile à nouveau et que la déprime vous guette. Ne tirez aucune conclusion ni un quelconque bilan sur votre vie, votre couple, votre carrière: ils seront forcément négatifs.

Pas de méthode Coué donc, ni de régime miracle.
Aucune prescription sur ordonnance pour regagner de la confiance en soi en moins de 3 semaines.
Essayez peut-être une thérapie cognitivo – comportementale (et encore).
Tâchez simplement d’être indulgent envers vous-même : c’est le seul régime pour essayer de stabiliser la confiance en soi et éviter ainsi le yo-yo.