S comme Starbucks

starbuck

Au chômage avoir rendez-vous au Starbucks n’est pas anodin. Rien avoir avec un banal café pris à la Brioche Dorée !

Avoir rendez-vous au Starbucks ce n’est pas simplement la promesse de découvrir une boisson aux saveurs saugrenues, ni même celle d’apprécier une excellente pâtisserie, à peine trop grasse.

Non, pour une personne sans emploi, avoir rendez-vous au Starbucks c’est bien plus que ça :

–       c’est déjà avoir rendez-vous avec quelqu’un et croyez-moi réussir à maintenir le lien social n’est pas évident !

–       c’est avoir rendez-vous avec une personne qui croit plus ou moins en votre potentiel et vous confère, le temps d’un frappucino, un statut socio – professionnel, aussi précaire soit-il.

–       c’est l’espoir de définir un nouveau projet professionnel.

–   c’est le début d’une nouvelle étape. Les prémices d’une nouvelle carrière. 

Au Starbucks vous y êtes presque. Là tout près. A la frontière avec l’autre monde : celui des actifs, ceux qui travaillent, produisent, ceux qui ont, ceux qui sont.

En notant un rendez-vous au Starbucks dans son agenda, on ne se sent déjà plus au chômage.

Il y a d’abord la posture :

–       Le jour J, on abandonne bien sur le jogging ou autres pièces fluides et larges qui supposent un certains mépris des derniers codes fashion du moment et on adopte un look  chic urbain car un magasin Starbucks est toujours implanté en centre ville. On se maquille et on s’habille à peu près comme pour un entretien. Voilà pour les codes.

–       on s’équipe comme une pro: ordinateur portable (ou tablette pour les chômeurs plus aisés ) chargeur, carnet, stylo et si on osait on déballerait même un rétro projecteur pour présenter son projet avec des slides en mode « présentation projet ».

Ensuite il y a le fond : les idées (Cf I https://annaploime.wordpress.com/2014/04/10/i-comme-idee/) les siennes et celles des autres).

Au royaume du macchiato vanillé, toute idée devient concept et tout concept devient projet …Tadadadada … Ca se passe comme ça au Starbucks Coffee !

Un mac’, une table avec lampe de bureau, une connexion Wifi et c’est parti ! On peut enfin rêver. On s’y voit déjà ! Non pas en haut de l’affiche mais sur l’affiche.

Au Starbucks, le chômeur se sent bien. Au milieu des autres, ceux qui débriefent leur réunion, révisent leur bac, refont leur CV, le « sans emploi» est avec les autres. Un peu comme ces personnes retraitées qui s’entêtent à grossir les rangs des files d’attente des caisses en pleine heure d’affluence …

Oui au Starbucks, le chômeur se sent bien. Ici pas de numéro d’identifiant, ni de mot de passe … Mais un prénom, le nôtre, écrit à la main sur notre gobelet et pendant quelques secondes (le temps d’une autre commande) on redevient quelqu’un. On s’adresse à nous sans nous poser cette redoutable question qui agace et finit par piquer «  Vous faites quoi dans la vie ? » Ici on s’affranchit de cette question.

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Drôle d’endroit ce Starbucks …. 

Sans le vouloir et sans même le savoir, la plus grande chaine multinationale de cafés est devenue un symbole : celui de la mixité. Elle réunit deux mondes que tout oppose : celui des actifs et des chômeurs.

Drôle d’endroit où ces deux mondes se croisent, se côtoient.

Drôles d’endroits ces Starbucks devenus en quelques années l’anti chambre officielle des chômeurs ; des chômeurs qui élaborent autour d’un pan cake sauce érable leur énième plan pour-monter-leur-boite.

Le temps d’un après-midi le chômeur n’est plus sans emploi mais en reconversion professionnelle. Oui la nuance est importante ; elle n’est pas que sémantique.

Pour ne plus être au chômage et ne pas se laisser dévaster par ses conséquences il faut avant tout ne plus être psychiquement inactif, ne plus être au chômage dans sa tête pour croire encore en soi.

Alors même à 5 euros le café (le grand) je suis prête à en boire des litres…!

4 réflexions sur “S comme Starbucks

  1. Lawrence dit :

    Hello Annaploime,

    Habitant à la campagne (vraiment à la campagne, pas en banlieue. 1ere ville à 7 km…) Je suis confronté journellement à ce problème ; Tout à fait comme un insulaire peut l’être. Se forcer à sortir tous les jours à s’habiller décemment. Cirer ses chaussures et avoir des chemises et pantalons propres et repassés. Je suis Chômeur depuis 1 an et bien sur, Pôpeur ??? ( A breveté peut-être 😉 Le masculin de Momeuse?) J’aime beaucoup ce que vous avez écrit. Les papas au chômage ont évidemment les mêmes préoccupations que les mamans. TROUVER DU TRAVAIL ! Ne pas être exclu du monde civilisé. Retrouver les sensations de fatigue le soir après une longue journée de travail. Boire un mauvais café avec les collègues pendant des pauses qui s’éternisent. Avoir un chef qui fait n’importe quoi mais contre qui on peut maugréer. Avoir des collègues qui ne savent absolument pas ce que vous faites dans l’entreprise mais qui savent que vous êtes mieux payé qu’eux… (véridique) bref, le rêve quoi !!!

    Chez moi il n’y a pas de Starbuck… Il reste la sortie des classes le soir, les activités des enfants pour espérer voir des visages nouveaux ou seulement différents. Les petits et gros travaux de la maison pour rester au top physiquement 😉 C’est surement la chose la plus dure. Garder la forme et pas seulement garder des formes. Et puis bien sûr parler du boulot avec son conjoint.Tous les jours j’attends ce moment, le débriefing de la journée de travail de ma femme. Écouter les derniers faits d’armes de ses collègues ou de ses clients. Être dans la vie de travail par procuration c’est mieux que rien, en tout cas, c’est un peu ma thérapie.

    Ce n’est plus un commentaire que je fais mais presque un article, l’on fini par avoir beaucoup de choses à dire quand on est privé de collègues depuis un bout de temps.

    Bonne continuation,

    LPJ

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