V comme vacances

Début juillet : bientôt les congés payés!

On sent déjà l’odeur du monoï et du rosé bien frais, on croit même sentir le sable chaud nous chatouiller les mollets.

Les kermesses sont terminées, le bac a été décroché, et les programmes télé ont tous été remplacés par d’autres (encore plus médiocres). Aucun doute : la période estivale est officiellement ouverte !

Sur les réseaux sociaux, difficile d’échapper aux nombreux post de nos « amis » qui lancent le décompte avec leur « J -»  quand certains plus généreux (ou très mégalo) nous font vivre heure par heure leur voyage « embarquement » « avion posé »  « pause pipi chez Flunch. Dernière étape avant le sable » avec à chaque fois les émoticônes adaptés au propos ; certains privilégieront les visuels pour nous informer. Nous deviendrons ainsi incollables sur la météo : de Tunis à Sydney en passant par la Grande Motte et Berk nous connaitrons le temps qu’il y fait grâce aux nombreuses captures d’écran de l’appli météo. Certains, plus minimalistes, se contenteront de poster sans commentaire une photo de leurs pieds devant une piscine ou un Mojito, nouvel emblème post moderne des vacances, de la farniente !

Alors on le clame, on le post, on le twitte : ce sont les vacaaaaances comme le chantait hier Lorie quand elle nous rappelait à l’envi que c’était le Week-end, yeah, yeah ».

Les vacances donc. La libération, la fin de l’aliénation pour les travailleurs en cols bleus ou blancs.

En juillet, les travailleurs de droite sont, une fois n’est pas coutume, reconnaissants de la lutte menée pour instaurer ce droit aux congés payés.

En juillet et août, tous les travailleurs deviennent camarades.

Qu’on parte ou pas, les vacances sont nécessaires. En faisant un break, le corps et l’esprit se reposent. Et puis les « grandes vacances » représentent un cycle. Un de plus qui permet de fractionner l’année. 

Mais au chômage les cycles disparaissent progressivement. On garde certains repères : la rentrée scolaire en septembre, le nouvel an en janvier, les œufs et le chocolat à Pâques, le tour de France début juillet. Entre ces quatre échéances, le chômeur n’a plus vraiment de repères, hebdomadaire surtout. Semaine / week end ne signifient plus grand chose.

C’est la conséquence chrono-biologique du chômage, le deuxième effet Kisscool.

Certains se plaisent d’ailleurs à nous le rappeler « mais toi tu es tous les jours en vacances, hein ? Ah ah ah ! »

Avec ce rire gras et vulgaire, l’idiot du village n’a pas vraiment tort. Ce qu’il ignore en revanche c’est l’effet dévastateur généré par ce repos forcé et subi. Pour nous, vacanciers à durée indéterminée, c’est comme si nous étions toujours en mode jour, comme si la nuit avait disparu ou plutôt l’inverse.

Bref on est déréglé. Seuls peut-être les cycles menstruels permettront aux chômeuses de garder certains repères !

Déréglés, nous trouverons notre salut en nous calant sur le rythme des autres : ceux qui travaillent et nous rappellent sans cesse qu’ils sont fa-ti-gués, é-pui-sés de cette année, avec toutes ses réunions, ses charrettes, ses compét’, ect… 

On n’ose pas leur dire, par pudeur et culpabilité, que nous aussi on est cra-mé !

Fa-ti-gué, é-pui-sé de cette année a envoyer des candidatures, la plupart restées sans réponse, à tenter d’interpréter les refus et les silences qui vous rongent, a networker, a se déguiser, à s’abaisser, à ruminer, à se remettre en cause, à s’auto évaluer…

L’introspection est une activité très chronophage et épuisante car elle se pratique le jour mais surtout la nuit.

Alors peut-être avons-nous bien mérité, nous aussi, nos vacances.

Ne serait-ce que pour avoir, le temps de quelques semaines, les mêmes repères que les autres et ne plus se sentir ainsi décalé(e).

T comme Temps

Au chômage la relation au temps change radicalement.
Rien a voir avec la météo ! Non au chômage le temps est de toute façon toujours maussade.
Non je veux parler du Temps, celui qui passe, défile et nous rattrape.
Mais surtout du temps libre … Celui après lequel tout le monde semble vouloir courir. 
Ce temps libre qui fait tant rêver, parfois fantasmer, ce même temps peut pourtant effrayer, angoisser et nous faire glisser progressivement, subrepticement dans l’abîme quand on est au chômage.

Mais avant de poursuivre, une redéfinition, ou plutôt une re-contextualisation s’impose.
Le temps libre choisi, anticipé, programmé, limité cela s’appelle des VA-CANCES : payés ou sabbatiques, ces congés sont désirés, et très souvent source de plaisir. 
En revanche, le temps libre imposé, illimité, est quant a lui subi et source de ruminations. Le temps libre devient paradoxalement aliénant.

Cette petite explication me semblait capitale pour permettre une meilleure perception du temps libre selon qu’on est actif ou au chômage.

Combien de fois ai-je entendu ces phrases :
« Tu as de la chance, Moi si j’avais du temps JE :
ferais du sport, 
– me mettrais à l’anglais,
– ferais de la couture
– irais voir plein d’expo,
– ferais des formations
– serais bénévole
– apprendrais la zumba
– cuisinerais tout bio
Oh lala si j’étais à ta place, tu ne vas pas me croire, je n’aurais même plus une minute à moi »

Non, en effet, je ne te crois pas.

Le temps libre serait donc seulement des heures à combler, un sac vide à remplir …
Tous, amis, ex-collègues, même mon mari semblent avoir LA solution : m’O-CCU-PER !! Pourquoi ne pas faire du bridge et des cup’cakes c’est tellement tendance!! 
Occuper, combler, courir … donc. 
Et finalement, peut être le fuir ce temps, voilà donc leurs conseils pour m’aider ?
M’aider ? Sans le savoir ils m’enfoncent, m’accablent, m’enivrent avec tous leurs
« y’a-qu’a-tu-devrais » et me renvoient une image nonchalante. Ils arrivent même à m’en persuader… c’est vrai je devrais me bouger, faire plein de trucs, être hyper active, être Pro-Du-Ctive !!

Mais ce n’est pas si simple. D’abord être au chômage implique la recherche d’un nouvel emploi et des heures à rédiger des lettres de motivation, à refaire des CV, contacter son réseau (cf R comme Réseau), se faire de nouveaux contacts, aller à des vrais-faux entretiens (cf E comme Entretien). 
Espérer/déprimer/de nouveau espérer/redéprimer/être déçue/pleurer/ se persuader qu’on est toujours capable/renforcer son ego/se valoriser tout en acceptant de bifurquer/ trouver de nouvelles idées (cf I comme idée) de reconversion/
Fatiguant non ? Mais surtout très accaparant. Ben oui ce chaud-froid permanent ce sont des émotions et les digérer vous allez rire, ça prend beaucoup de temps, cela empiète même sur son temps libre : comprendre, analyser, se remettre en cause … Avec tout ça, vous croyez vraiment que j’ai le temps d’aller à des expo et faire de la zumba ? Non sérieusement !!

Ces rendez-vous avec soi-même sans pouvoir annuler, ça prend un temps fou…. Parfois je n’ai même plus le temps !

Et puis qui dit temps libre ne signifie pas pour autant envie et désir (cf D comme Désir)! Faut être au top pour vouloir bouger ses fesses sur des rythmes brésiliens quand dedans on est plutôt en mode fado… faut avoir envie, même plus, il faut avoir l’envie d’avoir envie comme chantait Johnny.

Le temps libre donc … Un concept grisant au mois d’août sur une plage de sables blancs, mais beaucoup moins sympa en plein mois de novembre, avec des indemnités qui fondent comme neige au soleil.
« Vouloir du temps pour soi »? Je vous invite tous à prendre cette expression au pied de la lettre. Mais attention vous risqueriez de déchanter, vous pourriez même être débordé.
L’introspection, ca prend du temps !