H comme Hurler

Aujourd’hui j’ai envie d’hurler.

Et en ce matin d’avril pluvieux en bonne chômeuse qui se respecte, je regarde, ou plutôt, je zone devant la télé en profitant gracieusement des indemnités que la société me verse. Je zappe et je matte comme chantait Passi et m’arête sur l’émission la plus féminine du PAF : le Grand 8 avec Laurence Ferrari, la même qui officie plus tard dans la journée sur itélé mais cette fois en tant que journaliste (et oui je suis aigrie mais je l’assume ; en politique comme sur le marché de l’emploi je suis contre le cumul des mandats surtout en période de crise)

Bref… je tombe sur un sujet consacré aux chômeurs, un sujet qui pose en creux les questions suivantes : les chômeurs sont-ils victimes ou responsables de leur inactivité? Si oui, faut-il ou non les contraindre à accepter des emplois en deçà de leurs compétences, de leur formation, de leurs prétentions ? Le sujet se termine sur une préconisation de Michel Godet, un économiste bien connu des médias qui ne se gêne pas pour insinuer que les chômeurs (surtout les plus diplômés) agissent comme des enfants gâtés.

Et pour le dire THE économiste choisit la métaphore bucolique et assène avec un petit sourire aux coins des lèvres, tout fier de lui « qu’on peut avoir un master de lettres et devenir fleuriste, ça mettra de la poésie dans les bouquets »[1]

Je bondis de mon canapé, remonte mon jogging ( autant rester dans les clichés : la chômeuse se laisse aller) et prends la première arme à portée de main : mon téléphone portable pour aussitôt twitter et répondre à coup de @ et de # à cet économiste qui visiblement ne connaît pas la réalité du terrain, ni les nouvelles méthodes de recrutement et encore moins ce que signifie rechercher un emploi en 2014, avec ou pas un bac+5.

Est-il vraiment sérieux ? Croit-il réellement que le problème du chômage s’explique en partie par le snobisme de nombreux chômeurs diplômés, prétentieux et probablement fainéants?

    – Dis Godet, sais-tu combien de candidatures sont restées lettres mortes pour des postes bien en deçà de mes prétentions ?

    – Dis Godet, sais-tu qu’il n’est pas simple d’être fleuriste ou même secrétaire avec un bac +5 !

   – Dis Godet, sais-tu qu’avec un Bac+5 notre profil est jugé « trop » ou « sur » dimensionné et par ces préfixes ne voyez surtout pas des compliments déguisés mais traduisez plutôt : trop diplômé(e) donc trop vieux et donc trop cher.

   – Dis Godet, crois-tu qu’il suffit simplement de revoir nos ambitions à la baisse pour remonter dans « le manège de l’emploi » comme tu sembles si bien le dire ?

Alors Godet, je t’invite à retourner dans ton centre d’étude, avec tes graph, tes stat et tes certitudes et comme c’est bientôt le 1er mai, je t’invite à prendre le tablier pour offrir quelques brins de muguet aux chômeurs pour leur porter chance … avec autant de bêtises dites à leur sujet, ils ont en effet besoin d’un peu de poésie pour célébrer la fête du travail !

 

[1] Le Grand 8, mardi 29 avril 2014

3 réflexions sur “H comme Hurler

  1. La société d’aujourd’hui te pousse à faire des études pour vouloir te mettre dans n’importe quel job une fois sur le marché du travail. Je ne pense pas comme toi que tous les chômeurs soit des enfants gâtés. Il y en a certains qui croient juste encore en leur rêve de trouver LE boulo. Si certains patrons étaient aussi plus humain, il y aurait aussi sûrement moins de chômage…Perso, je suis au chômage (mais ne touche pas d’indemnités) car j’ai refusé de me laisser bouffer moralement par mon ancien travail, si on m’avait respecté, je ne serais pas chômeuse…

    • @la petite chômeuse : Les chômeurs ne sont pas tous des enfants gâtés bien sur ! Et c’est justement cet a priori que je dénonce dans cet article. L’économiste Godet semblait dire que les chomeurs bac+5 faisaient la fine bouche et ça m’a fait hurler !

  2. Annabel dit :

    Bonjour et merci pour ce témoignage!!
    Je suis dans ce cas où mon CV est « très intéressant » mais visiblement pas adapté aux attentes du marché.
    Diplômée, expérimentée mais pas assez, ou trop… je vous laisse deviner la suite.
    Sans faire sa diva on espère toujours trouver un emploi en adéquation avec les études qu’on s’est acharné à finir, et pour ma part en les finançant avec mes propres deniers.
    D’autre part il va de soit que nous sommes en quête d’un emploi qu’on dit « alimentaire » en attendant LE JOB dans lequel on va enfin s’épanouir mais c’est sans compter avec la suspicion et le mépris des recruteurs.
    Alors non, on ne reste pas chômeur par vocation ni par plaisir …

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