H comme Hurler

Aujourd’hui j’ai envie d’hurler.

Et en ce matin d’avril pluvieux en bonne chômeuse qui se respecte, je regarde, ou plutôt, je zone devant la télé en profitant gracieusement des indemnités que la société me verse. Je zappe et je matte comme chantait Passi et m’arête sur l’émission la plus féminine du PAF : le Grand 8 avec Laurence Ferrari, la même qui officie plus tard dans la journée sur itélé mais cette fois en tant que journaliste (et oui je suis aigrie mais je l’assume ; en politique comme sur le marché de l’emploi je suis contre le cumul des mandats surtout en période de crise)

Bref… je tombe sur un sujet consacré aux chômeurs, un sujet qui pose en creux les questions suivantes : les chômeurs sont-ils victimes ou responsables de leur inactivité? Si oui, faut-il ou non les contraindre à accepter des emplois en deçà de leurs compétences, de leur formation, de leurs prétentions ? Le sujet se termine sur une préconisation de Michel Godet, un économiste bien connu des médias qui ne se gêne pas pour insinuer que les chômeurs (surtout les plus diplômés) agissent comme des enfants gâtés.

Et pour le dire THE économiste choisit la métaphore bucolique et assène avec un petit sourire aux coins des lèvres, tout fier de lui « qu’on peut avoir un master de lettres et devenir fleuriste, ça mettra de la poésie dans les bouquets »[1]

Je bondis de mon canapé, remonte mon jogging ( autant rester dans les clichés : la chômeuse se laisse aller) et prends la première arme à portée de main : mon téléphone portable pour aussitôt twitter et répondre à coup de @ et de # à cet économiste qui visiblement ne connaît pas la réalité du terrain, ni les nouvelles méthodes de recrutement et encore moins ce que signifie rechercher un emploi en 2014, avec ou pas un bac+5.

Est-il vraiment sérieux ? Croit-il réellement que le problème du chômage s’explique en partie par le snobisme de nombreux chômeurs diplômés, prétentieux et probablement fainéants?

    – Dis Godet, sais-tu combien de candidatures sont restées lettres mortes pour des postes bien en deçà de mes prétentions ?

    – Dis Godet, sais-tu qu’il n’est pas simple d’être fleuriste ou même secrétaire avec un bac +5 !

   – Dis Godet, sais-tu qu’avec un Bac+5 notre profil est jugé « trop » ou « sur » dimensionné et par ces préfixes ne voyez surtout pas des compliments déguisés mais traduisez plutôt : trop diplômé(e) donc trop vieux et donc trop cher.

   – Dis Godet, crois-tu qu’il suffit simplement de revoir nos ambitions à la baisse pour remonter dans « le manège de l’emploi » comme tu sembles si bien le dire ?

Alors Godet, je t’invite à retourner dans ton centre d’étude, avec tes graph, tes stat et tes certitudes et comme c’est bientôt le 1er mai, je t’invite à prendre le tablier pour offrir quelques brins de muguet aux chômeurs pour leur porter chance … avec autant de bêtises dites à leur sujet, ils ont en effet besoin d’un peu de poésie pour célébrer la fête du travail !

 

[1] Le Grand 8, mardi 29 avril 2014

Y comme Yo-Yo

Le Yo-Yo, drôle d’expression pour désigner les variations de prise de poids engendrées par les régimes amaigrissants.
Deux syllabes qui illustrent aussi les fluctuations de l’humeur engendrées, elles, par le chômage de longue durée.

Oui, Yo-Yo c’est ça …

Un jour looseuse.
L’autre, euphorique, prête à conquérir le monde.
Pile ou face selon l’humeur du jour. « Up&down ». 
Pas de panique : vous n’êtes pas bipolaire vous (n’) êtes (qu’) au chômage !

Pas de balance pour vous signifier toute fluctuation d’humeur.
Pas d’unité de mesure pour évaluer ce truc qui nous permet d’y croire encore, ce truc qui nous permet de nous projeter, ce truc tellement précieux qu’on appelle la confiance en soi… Un truc qui se passe dans la tête. La Une « Elle » nous l’affiche « Réussir au travail c’est aussi dans la tête ».
Ok mais comment fait-on quand notre tête justement est à l’envers et notre moral même plus dans nos chaussettes ?
Dans ce cas, aucun régime miracle pour nous regonfler.
J’aimerais tellement le rencontrer le Dukan de l’hyper confiance en soi ! Avec ou sans protéine, avec ou sans féculent, je suis prête à l’observer ce foutu régime. Pas de coach amateur qui me préconise la méthode Coué avec, à la clé, un renforcement narcissique superficiel qui tient un mois ou deux. Non. Pas de yo-yo ! Un vrai régime qui me promet de stabiliser une bonne fois pour toute la confiance en soi.
De la confiance, j’aimerais en prendre par kilos, j’aimerais que ça déborde ! Sur les hanches, les cuisses et même sur les fesses, quitte à friser la crise de boulimie !
Douter bien sur…. mais pas une semaine sur deux, un jour sur deux, une heure sur deux.

Etre au chômage c’est :
– être à la marge,
– ne plus faire,
– ne plus avoir,
– ne plus être productif,
– penser ne plus savoir et ne plus savoir faire

Dans ce cadre, comment garder la confiance en soi ?

En fin de droits, on est essoufflé(e), épuisé(e), découragé(e).
Comment rester dans la course quand les autres sont loin, très loin devant nous ?
Alors oui, on cède au découragement comme certains craquent devant un éclair au chocolat. Et aussitôt on culpabilise comme après l’avoir mangé cet énorme éclair. Et hop on se remotive en reprenant de bonnes résolutions …  Yo Yo !

« Faut pas se décourager (…) c’est vrai que vous êtes restée longtemps sans travailler donc ça ne rassure pas les recruteurs potentiels. Vous avez de bonnes expériences mais pour en avoir de nouvelles il faut être force de proposition ; haut les cœurs ! » Ose me lâcher avec un ton péremptoire un cadre antipathique d’une radio nationale, persuadé de ne jamais se retrouver à ma place.
Une phrase de plus qui m’assomme un peu plus. 

Aujourd’hui je sais qu’il est vain de lutter contre ces fluctuations.
J’ai appris à les accepter grâce à régime simple à base de bon sens et surtout d’indulgence :
– optimisez vos recherches les jours d’euphorie, même si cela ne dure qu’une petite heure. Profitez de ce moment pour vous lâcher : appelez la terre entière, likez, twittez, postulez, sollicitez, et souriez !!
– faîtes le dos rond dès que le doute se profile à nouveau et que la déprime vous guette. Ne tirez aucune conclusion ni un quelconque bilan sur votre vie, votre couple, votre carrière: ils seront forcément négatifs.

Pas de méthode Coué donc, ni de régime miracle.
Aucune prescription sur ordonnance pour regagner de la confiance en soi en moins de 3 semaines.
Essayez peut-être une thérapie cognitivo – comportementale (et encore).
Tâchez simplement d’être indulgent envers vous-même : c’est le seul régime pour essayer de stabiliser la confiance en soi et éviter ainsi le yo-yo.

T comme Temps

Au chômage la relation au temps change radicalement.
Rien a voir avec la météo ! Non au chômage le temps est de toute façon toujours maussade.
Non je veux parler du Temps, celui qui passe, défile et nous rattrape.
Mais surtout du temps libre … Celui après lequel tout le monde semble vouloir courir. 
Ce temps libre qui fait tant rêver, parfois fantasmer, ce même temps peut pourtant effrayer, angoisser et nous faire glisser progressivement, subrepticement dans l’abîme quand on est au chômage.

Mais avant de poursuivre, une redéfinition, ou plutôt une re-contextualisation s’impose.
Le temps libre choisi, anticipé, programmé, limité cela s’appelle des VA-CANCES : payés ou sabbatiques, ces congés sont désirés, et très souvent source de plaisir. 
En revanche, le temps libre imposé, illimité, est quant a lui subi et source de ruminations. Le temps libre devient paradoxalement aliénant.

Cette petite explication me semblait capitale pour permettre une meilleure perception du temps libre selon qu’on est actif ou au chômage.

Combien de fois ai-je entendu ces phrases :
« Tu as de la chance, Moi si j’avais du temps JE :
ferais du sport, 
– me mettrais à l’anglais,
– ferais de la couture
– irais voir plein d’expo,
– ferais des formations
– serais bénévole
– apprendrais la zumba
– cuisinerais tout bio
Oh lala si j’étais à ta place, tu ne vas pas me croire, je n’aurais même plus une minute à moi »

Non, en effet, je ne te crois pas.

Le temps libre serait donc seulement des heures à combler, un sac vide à remplir …
Tous, amis, ex-collègues, même mon mari semblent avoir LA solution : m’O-CCU-PER !! Pourquoi ne pas faire du bridge et des cup’cakes c’est tellement tendance!! 
Occuper, combler, courir … donc. 
Et finalement, peut être le fuir ce temps, voilà donc leurs conseils pour m’aider ?
M’aider ? Sans le savoir ils m’enfoncent, m’accablent, m’enivrent avec tous leurs
« y’a-qu’a-tu-devrais » et me renvoient une image nonchalante. Ils arrivent même à m’en persuader… c’est vrai je devrais me bouger, faire plein de trucs, être hyper active, être Pro-Du-Ctive !!

Mais ce n’est pas si simple. D’abord être au chômage implique la recherche d’un nouvel emploi et des heures à rédiger des lettres de motivation, à refaire des CV, contacter son réseau (cf R comme Réseau), se faire de nouveaux contacts, aller à des vrais-faux entretiens (cf E comme Entretien). 
Espérer/déprimer/de nouveau espérer/redéprimer/être déçue/pleurer/ se persuader qu’on est toujours capable/renforcer son ego/se valoriser tout en acceptant de bifurquer/ trouver de nouvelles idées (cf I comme idée) de reconversion/
Fatiguant non ? Mais surtout très accaparant. Ben oui ce chaud-froid permanent ce sont des émotions et les digérer vous allez rire, ça prend beaucoup de temps, cela empiète même sur son temps libre : comprendre, analyser, se remettre en cause … Avec tout ça, vous croyez vraiment que j’ai le temps d’aller à des expo et faire de la zumba ? Non sérieusement !!

Ces rendez-vous avec soi-même sans pouvoir annuler, ça prend un temps fou…. Parfois je n’ai même plus le temps !

Et puis qui dit temps libre ne signifie pas pour autant envie et désir (cf D comme Désir)! Faut être au top pour vouloir bouger ses fesses sur des rythmes brésiliens quand dedans on est plutôt en mode fado… faut avoir envie, même plus, il faut avoir l’envie d’avoir envie comme chantait Johnny.

Le temps libre donc … Un concept grisant au mois d’août sur une plage de sables blancs, mais beaucoup moins sympa en plein mois de novembre, avec des indemnités qui fondent comme neige au soleil.
« Vouloir du temps pour soi »? Je vous invite tous à prendre cette expression au pied de la lettre. Mais attention vous risqueriez de déchanter, vous pourriez même être débordé.
L’introspection, ca prend du temps !

 

F comme Famille

Victime collatérale de mon chômage, mes proches subissent directement et indirectement les conséquences de ma périlleuse quête d’emploi :

–       ma mauvaise humeur quasi chronique, au point même de devenir l’un de mes nouveaux traits de caractère,

–       mes pseudos certitudes rabâchées sur les raisons de mes échecs,

–       mon introspection qui se confond parfois avec un certain nombrilisme (Cf N comme Nombrilisme )

–       ma prise de poids et mes cheveux gras.

Tout. Ma famille partage tout avec moi. Sauf peut être une seule chose : mon exceptionnelle bonne humeur. Rare et précieuse, je la réserve aux autres, bienveillants ou malveillants, auprès de qui je mets un point d’honneur à entretenir mon capital sympathie.

Pour ma famille, je ne fais aucun effort puisque tout est acquis depuis maintenant plus de 35 ans.

Je devrais pourtant les cajoler, les choyer, les préserver ne serait-ce que par reconnaissance car au-delà de leur patience et leur soutien, la plupart de mes proches ont contribué à mes indemnités. Mais rien à faire, je projette sur eux mes frustations, mes colères, mes angoisses en prenant toujours un soin particulier à ne jamais leur faire partager mes joies et mes espoirs … lesquels pourraient m’ôter le monopole de la colère.

N’y voyez aucun acharnement ni désamour pour eux mais sans collègue sur qui déverser ma haine je suis bien forcée de composer avec le seul public dont je dispose : ma famille, ma seule prise, parfois même ma seule cible.

Tout devient alors prétexte pour les faire culpabiliser sur ce qu’ils auraient dû faire ou être pour empêcher mon long séjour à Pôle emploi.

– A ma mère, je lui reproche … tout ! Et plus particulièrement son manque de soutienau spectacle de fin d’année quand j’étais en CM2, celui pour lequel j’avais imaginé la chorégraphie avec deux copines assez stupides pour me suivre dans cette représentation ridicule … Si seulement elle m’avait davantage renforcée narcissiquement tout aurait pu être différent. Une carrière se joue parfois à quelques détails près, si si …

– A ma sœur aînée, je lui reproche d’être la cadette et de m’avoir ainsi volé le premier rôle. J’ai lu beaucoup de théories socio-psycho-anthropologiques sur les traumatismes du cadet, et c’est fou comme on sous estime les conséquences sur l’affirmation de soi, si si …

– A mes défunts grands-parents, je leur reproche de m’avoir trop aimée, trop protégée de tout, surtout de moi même. C’est sans doute aussi de leur faute si je n’ai pas su être auto entrepreneur ni même entrepreneur tout court.

– A mon mari, je lui reproche d’être hyper actif au point de m’avoir fait deux enfants, et ce quasiment la même année et de me priver ainsi toute perspective de faire une belle et grande carrière !

– Enfin, à mes jeunes enfants, je leur reproche de sortir de l’école si tôt, trop tôt, pile au moment où me vient l’envie soudaine de rédiger mes lettres de motivation et d’entretenir mon réseau primaire, secondaire, tertiaire et plus… (Cf R comme réseau)

Oui tout est finalement de leur faute.

Tous mes proches qui me soutiennent,

Tous mes proches qui m’enveloppent …

Tous mes proches qui ne cessent de m’encourager…

…. Heureusement qu’ils sont là !

I comme Idée

marguerite duras

Pour ne pas subir ton chômage, tu dois agir et pour cela un seul moyen : avoir des idées.

Farfelues ou ingénieuses, elles te garantiront forme et optimisme.

Elles t’aideront un jour à sortir de cette léthargie qui te guette.

Et, accessoirement, te permettront d’adopter la posture idéale pour donner le change aux super héros du « moi à ta place ».

Ne jamais être en panne d’idée donc.

Toutefois, il faut veiller à ne pas se disperser car sinon tu risquerais de te retrouver perdue, un peu comme une élève de terminale surinformée au salon de l’étudiant. Mais dans ton cas, pas de brochure de l’ONISEP pour t’aider du genre « Trouver de bonnes idées pour rebondir après 35 ans ».

Des idées, les autres en ont souvent des cartons entiers, pour eux-mêmes mais surtout pour toi :

Toi qui es au chômage,

Toi qui as du temps (cf T comme Temps),

Toi qui dois rebondir,

Toi qui dois savoir t’adapter.

Et selon eux, je pourrais – presque – tout faire. Rien qu’à les écouter, j’ai parfois le tournis !

La liste ci-dessous des idées (mais pas de mes envies) suggérées est bien sur exhaustive. Je vous épargne les pistes totalement saugrenues et les quelques scénarios dans lesquels je devais :

–       reprendre mes études pour être assistante sociale ou sage femme (car j’aime bien écouter les autres et m’occuper des nourrissons, même si les miens m’ont fait perdre la tête),

–       reprendre mes études pour être avocate (car j’aime prendre la parole pour défendre la veuve et l’orphelin),

–       suivre une formation pour me lancer dans l’agriculture bio (car j’aimerais les bonnes choses et m’intéresserais, certes de loin, à la planète).

D’autres idées, plus accessibles, m’ont été proposées :

–       Facile et très tendance : la Com’ ! Même si l’expression ne veut plus rien dire aujourd’hui, ce secteur est devenu tellement englobant (pour ne pas dire fourre tout) qu’on peut facilement en être. Après tout, beaucoup de journalistes font de la com’ en relayant celle du gouvernement, des lobbies, des syndicats… A priori, « faire de la com’ » je saurai donc faire.

–       Plus noble et très utile : l’enseignement. Apprendre et accompagner les enfants dans leur apprentissage … pourquoi pas ? Il y a un public, une scène, mais il me manque ce p’tit truc en plus que l’on appelle… vocation.

–       Monter sa boite de conseil. C’est un peu comme la Com’ avec la dimension stratégique en plus. Un métier qui suppose un réseau solide en politique, journalisme et communication … Le conseil ou lobbying peut s’avérer très gratifiant : influencer les puissants, les médias, le public … Pour un profil narcissique comme le mien, cette perspective mérite considération et réflexion … Mais finalement les deux hommes d’un grand cabinet de conseils, en Berluti et costume trois pièces (cf K https://annaploime.wordpress.com/2014/04/10/k-comme-ke/) que je rencontre lors d’un entretien Réseau (R comme https://annaploime.wordpress.com/2014/04/10/r-comme-reseau/) me conseillent très délicatement de songer à une autre piste et, au passage de revoir mes codes vestimentaires s’y jamais je décidais de persister dans cette voie.

–       Mère au foyer ? Très noble et utile certes. La profession ne requiert pas de formation spécifique (quoique) mais demeure très mal rémunérée et souffre d’un cruel déficit d’image. Quant au public – critère très important dans ma recherche d’emploi – il est très restreint, ingrat et bien plus exigeant que tous les autres…

Résultat ? Je n’ai plus aucune idée de ce que je veux et sais faire.

Au bout de cette pêche aux bonnes idées : des doutes, beaucoup de doutes

Mais un jour la bonne idée surgit : écrire mes modestes aventures de chômeuse. Comiques, décevantes, rageantes, ubuesques … mais heureusement jamais dramatiques.

Bloguer juste pour se libérer et ne plus avoir mal au dos.

Bonne ou mauvaise, cette idée s’avère thérapeutique.

Et c’est très bien ainsi !

K comme KE

K comme kilos, pas ceux qu’on prend ni qu’on perd, non K comme Kilos Euros

1KE = 1000 euros, tu rajoutes donc trois zéros ; 10 KE= 10 000 euros. 20 KE= 20 000 euros…OK c’est bon j’ai vite compris !
Mes amis du monde réel, ceux qui travaillent en entreprise avec des N+1 m’ont expliqué la conversion comme si je m’apprêtais à partir dans une contrée lointaine. Pourtant, pas de voyage prévu à part un bad trip entre Pôle emploi et les vrais-faux entretiens (Cf E comme Entretien).

KE donc … C’est avec cette unité de mesure que je dois afficher mes prétentions salariales.
Très bien mais difficile de convertir mes salaires de journaliste en KE. Difficile car dérisoires. L’idée même du salaire est devenue saugrenue. 
Qui dit salaire dit contrat. Oublions le CDI, dans le secteur il n’en n’existe quasiment plus. On peut éventuellement espérer un CDD, voire un CDU (les contrats saisonniers qui permettent aux producteurs de payer moins de charges).
Quant aux piges, ces missions rémunérées à l’article, au feuillet, aux signes difficile de les monnayer en KE ?

Bon mais il n’y pas que le journalisme. Il y aussi la Com’, terme générique qui regroupe une multitude de métiers : « Je bosse dans la Com’ » « je fais de la Com’ » « aujourd’hui on a tous besoin de Com’ ». Je m’en convaincs donc. Je décide de prospecter et réussis même à décrocher un entretien au cours duquel LA question déterminante, LA question cruciale est posée : « Quelles sont vos prétentions salariales ? »
Je réponds alors en salaire net par mois … Aussitôt je me rends compte de ma maladresse, mes interlocuteurs semblent très choqués par ce langage d’une autre époque. Merde en KE, KE ! Je corrige aussitôt le tir.
Je rajoute 3 zéros, je multiplie par 12 et j’annonce mon salaire en KE toute fière de moi comme si cette unité de mesure regonflait d’un coup, d’un seul, mon égo, un K comme des gros poids sur une balance, un K qui me renforce narcissiquement ….
Pourtant, sans le savoir, je m’étais rabaissée comme un produit soldé en deuxième démarque.
« Non mais avec un tel salaire vous ne vous rendez vraiment pas attractive »
Zut, j’ai dû oublier un zéro. Je recalcule mais non c’est bien ça, le compte semble y être pourtant … Avec des salaires oscillant entre 1500 et 1800 euros net (remboursement du titre de transport et 13ème mois inclus), j’ai beau multiplier et rajouter les trois zéros, le résultat reste ridiculement bas.

Alors oui ils sont marrants les deux zozos en face de moi, en costume 3 pièces et Berluti aux pieds, tous deux sortis d’un IEP ou d’une école de commerce avec plein de zéros sur leur fiche de paie en KE ou pas.

Bref KE ou pas, des salaires très bas ça met l’égo KO.

E comme entretien

Mes contacts m’ont vivement conseillée de postuler à cette radio nationale en pleine croissance.

La personne qui me reçoit est la directrice de la rédaction. Pas d’erreur donc, j’ai bien postulé au secteur d’activité qui correspond à mon parcours professionnel.

Elle est journaliste comme moi. Mais son parcours est parfait, comprenez : linéaire, cohérent (la radio, toujours la radio) et quasi sans interruption malgré ses grossesses, bravo Madame !

Auprès de cette rédaction, j’avais postulé en envoyant mon cv accompagné d’une lettre de motivation : des us et coutumes qui résistent encore, difficilement certes.

« Bonjour Anna,Merci de vous être déplacée. Je ne sais pas quoi vous dire (décris moi le poste à pourvoir cela pourrait être un bon début)On ne recrute pas en ce moment, et quand bien même, je ne saurai pas dans quel service vous placer car vous ne correspondez pas vraiment aux profils que nous recrutons. Je suis désolée ».

Moi aussi. Mais en  plus d’être désolée, je suis sonnée comme après un uppercut.

On m’a donc donné un rendez-vous pour me dire avec plus ou moins de délicatesse que mon parcours et mon profil étaient incompatibles avec cette radio.

On m’a donc donné rendez-vous pour me préciser qu’il était difficile de répondre favorablement à ma candidature aux vues de mon parcours si atypique. Atypique…

C’est vrai qu’avec mon CAP de pâtisserie, mes deux ans au service communication d’une banque et mes 6 derniers mois passés dans une onglerie c’est un peu compliqué, voire même saugrenu de vouloir postuler à un poste de journaliste.

Soyons sérieux : à quoi rime ce genre d’entretiens ?

Avec déception, colère, amertume mais surtout incompréhension je comprends que :

  1. Un entretien ne signifie pas l’existence d’un poste à pourvoir,
  2. Un entretien ne signifie même pas que vous avez le profil adéquat en cas d’éventuelles perspectives de recrutement pour un éventuel poste à pourvoir,
  3. Un entretien dit d’embauche n’est en fait qu’un entretien, simplement un entretien au sens littéral du terme : action de converser avec quelqu’un.

Tout ça c’était donc avant …

Avant Facebook, avant Viadeo, avant Linkedin,Avant les Réseaux, ces cartes de visite et CV 2.O où chacun y résume sa carrière en la sublimant, plus ou moins…ou chacun y écrit son story telling.

 

Ces fameux réseaux qui ont bouleversé notre recherche d’emploi, en nous demandant d’Etre toujours passionné même par un stage non rémunéré, d’Etre toujours en veille, toujours sur le qui-vive, d’Etre, et de paraitre.

Etre, toujours et toujours, sans la garantie d’Avoir.

Retour à mon entretien, ou plutôt à mon vrai-faux entretien d’embauche qui se conclut avec néanmoins une mince lueur d’espoir.

Je vous conseille d’envoyer votre CV à X qui s’occupe du recrutement chez Y”

Sans perdre de temps, je contacte X qui me demande aussitôt mon CV. La piste semble donc sérieuse et j’oublie déjà les déconvenues de la matinée.

X me répond très vite : « Merci mais Y n’a pas de perspective de recrutement à court ni moyen terme …”

La même situation ubuesque deux fois dans la même journée.

Les montagnes russes, deux fois dans la même journée.

Certains tenteront de me consoler en étant pragmatique. « Désormais, ils ont ton CV, ils te connaissent, le moment venu, ils penseront à toi ».

Sans doute. Moi j’aimerais ne plus penser à eux.

R comme Reseau

A ne pas confondre avec le P de piston, gros mot appartenant à une autre époque. Non rien à voir !

Aujourd’hui on parle de réseau : une nébuleuse de vrais-faux amis, de connaissances plus ou moins lointaines dont l’influence supposée pourrait t’aider dans le monde du travail.
Hier, il te suffisait d’avoir un bon CV.
Aujourd’hui, oublie le car sans réseau il ne restera qu’un vulgaire bout de papier !

Pour travailler aujourd’hui et être sûre de ne jamais se retrouver à Pôle Emploi, pas le choix : il faut net-wor-ker : partout, tout le temps, et surtout avec tout le monde.
Reseauter, encore et toujours, et ne jamais baisser la garde.
Ludique ou plus consensuel, le networking doit devenir une deuxième nature, un deuxième job, LE job même de toute ta carrière.

Rester toujours en veille : le réseau ça s’étoffe, se renouvelle, s’enrichit. C’est ce qu’on appelle la dynamique du réseau !

Première leçon : il n’y a pas un réseau mais des réseaux.
Le premier, celui qu’on appelle le réseau primaire, se compose de personnes qui vous connaissent : amis, famille, voire même des parents d’élèves, enfin plutôt les mères d’élèves, celles qu’on rencontre tous les soirs à la sortie de l’école (période de la journée qui correspond au début d’après-midi pour ceux qui travaillent), ce moment critique de la journée qui augure une longue série de corvées, ce moment qui te rappelle justement qu’être active au sein de ton foyer ne fait pas pour autant de toi une femme active, celle qui a un vrai travail validé par une fiche de paye. Mais revenons à notre Réseau, seul allié qui t’aidera à redevenir une femme active avec plein de collègues pour déjeuner le midi.

Ces collègues, justement, qui deviennent de facto les membres de ton deuxième réseau, mais pas seulement : les ex collègues, les collègues de tes amis, bref tous les contacts de ton réseau primaire composent ton réseau secondaire. Géant, non ? Tous ces gens que tu ne connais pas au sens littéral du terme et qui deviennent, sans même le savoir, des alliés potentiels dans ta recherche d’emploi. Oui sans même le savoir car ces contacts ignorent parfois faire partie de ton réseau, ils n’ont pas le choix. C’est ainsi … Le réseau s’impose à toi, il est plus fort que toi.

Enfin troisième niveau : les réseaux parfaitement visibles et sollicités : les fameux réseaux sociaux et leurs dérives narcissiques. Facebook, Twitter, Viadeo et Linkedin pour les plus connus. 
Difficile de ne pas y être sous peine d’être suspecté d’être :
– sociopath’, voire anar
– contre les outils modernes et donc contre le progrès,
– « has been », bloqué à l’ère du Minitel.

J’ai testé les méthodes du Networking. 
Contacter, solliciter un rdv, remercier, souhaiter mes vœux au nouvel an, liker, tweeter, retweeter, reliker … et j’en tire un bilan mitigé, très mitigé. 
C’est vrai: un réseau ça s’élargit, s’étoffe et s’enrichit. Et puis ? 
On accumule des noms, on croit dérouler la pelote de laine qui nous amènera encore vers un nouveau contact lequel nous aidera à retrouver ce nouveau poste tant attendu.

Le Networking m’a même fait rêvé. Surtout ce jour où j’ai décroché un rendez-vous avec un grand Mr du PAF qui a accepté de me recevoir. Moi Anna, simple ex-chroniqueuse. Une demie-heure d’entretien durant laquelle il a beaucoup parlé de lui, et a fini par me dire «  Je ne sais pas quoi faire pour vous aider mais surtout ne vous découragez pas ! »
Lui, le bottin vivant du PAF ! Lui, le Père Fouras de la télé. Lui qui y travaille depuis plus de 40 ans prétend donc, tel un pauvre stagiaire, ne pas pouvoir m’aider ?! Même pas une petite piste, un petit nom. Nada ! 
Pourquoi m’avoir donc reçue (Cf E comme entretien)? 
Peut-être cherchait-il lui aussi à networker ? Mais serait-ce donc sans fin ?

Finalement, il m’arrive parfois de regretter le bon vieux concept du piston, certes plus péjoratif mais tellement plus efficace !

A comme Age

       » Vous comprenez à votre âge on ne peut pas vous recruter à ce poste là, ni à celui-ci ».

     « Difficile à votre âge de vous positionner sur ce poste, vous risqueriez de vous ennuyez (…) Et pour celui-là vous n’avez pas assez d’expérience « 

L’âge semble être un problème. Pourtant, autour de moi les gens sont unanimes : l’âge n’est qu’une question d’état d’esprit, une posture, «  l’âge c’est dans ta tête que ça se passe «  me répètent-ils … Vraiment ? Moi je dirais plutôt que c’est dans la tête des autres que ça se passe !

Au chômage l’âge n’est plus vraiment une donnée de son état civil. Iil devient quasi une compétence qu’on a, ou pas.

Après 30 ans faut avoir trouvé sa crèmerie sinon notre date de péremption s’affiche automatiquement ! Oubliez les discours qui vantent la polyvalence et la curiosité. Pas de zig zag …. Sachez garder la ligne droite, bien droite, sinon vous risquez de le payer au chômage ! 
Gardez en tête qu’avant 30 ans tout doit se jouer et qu’après 35 ans tout s’est déjà joué … Morose Anna ? Non, juste réaliste après des entretiens et des discours sur mon âge, supposé avancé à … 35 ans.

Dans le monde du travail l’âge devient encore plus signifiant quand il est associé à un sexe, pis s’il est associé à un statut : marital mais surtout parental !
Femme, 35 ans, 2 enfants : misez sur votre réseau (Cf R comme Réseau), vos recommandations, misez … et priez !

Morose et parano Anna ? Car d’âge il n’en n’est jamais question dans les annonces. Les recruteurs préfèrent parler en tranches d’âge. Les recruteurs ne sont jamais discriminatoires, ils recherchent des profils expérimentés ou débutants, des candidats juniors ou séniors
Certains secteurs semblent d’ailleurs parfaitement soumis à cette logique. Dans le marketing on est chef de produit junior, puis chef de produit sénior.
En médecine on est externe, puis interne et enfin docteur.
Dans le journalisme, on est stagiaire, encore stagiaire, longtemps stagiaire, bref …

« A votre âge comment voyez-vous la suite de votre carrière ? « 

Mais au fait quel âge ai-je exactement ?
A 35 ans, suis-je senior comme l’indiquent certaines grilles établies par les DRH ? 
Pour mes enfants, je suis une adulte, une grande personne, c’est-à-dire quelqu’un qui sait et peut faire des tas de choses. Je suis la personne référente.
Pour ma mère, j’ai encore l’âge de recevoir des conseils et d’être couvée.
A 35 ans, mon mari veut encore me faire la cour.

A mon âge, j’ai encore envie d’apprendre, de découvrir, d’écouter les autres, de les observer, de les questionner, j’ai fait beaucoup de choses et désire en apprendre d’autres. Dans ce cadre, je pense avoir l’âge parfait pour travailler.

 

X comme ce chromosome

X comme ce chromosome qui nous confère ce précieux 6ème sens, les fabuleuses joies de la maternité, une parfaite maitrise des tâches ménagères … ce même chromosome nous est pourtant défavorable sur le marché du travail. Vérité de La Palice me direz-vous ! Certes, je ne vous apprends rien. Mais alors pourquoi nous marteler ces mêmes slogans tous les ans à l’occasion de la journée de la femme :
« Egalité salariale », « Au travail, hommes – femmes même combat ! » Et toujours si peu d’avancées. Même une Ségolène Royal au second tour n’y a rien changé !

Aigrie Anna ?… Non réaliste une fois de plus et peut-être pessimiste, c’est vrai … Mais il y a de quoi !

Lors d’un entretien, un directeur de la rédaction d’une chaine d’information, celle qui donne la priorité au direct, accepte de me recevoir grâce à l’aide d’un ami d’un collègue de mon mari (Cf R comme réseau, primaire et secondaire). 

Ravie, je compte bien tout faire pour réussir ce rdv. Je ne veux donc rien laisser au hasard.
J’ajuste mon cv, me soumets à un média training rigoureux. Je répète devant ma glace, j’imagine plusieurs scénarii et tente de deviner les questions auxquelles je devrai certainement répondre le jour J : 
comment concilier hard-news et analyse de l’information ?
– comment vérifier les sources d’information à l’heure des réseaux sociaux ?
– comment promettre une extrême réactivité tout en garantissant un sens aigu de la synthèse et de l’analyse d’information ?

Mais je n’y suis pas du tout ! Naïve que je suis !

La première question (et la dernière) fut finalement beaucoup plus pragmatique et d’ordre purement logistique :
« Comment comptez-vous faire garder vos jeunes enfants ?» Tiens cette question à un air de déjà entendu… Souvenez-vous quand Laurent Fabius ironisait sur la candidature de Ségolène Royal à l’élection présidentielle avec cette question « mais qui gardera les enfants » Ah Ah Ah Ah Ah qu’est-ce qu’on se marre !

« Mes enfants ? »  Répondis-je. « Ils sont inscrits à la crèche de 8h à 19h ». A ma connaissance aucun journaliste n’assure intégralement cette tranche horaire. 
Peut-être voulait-il me proposer la tranche 0h-4h. Comme c’est dommage, je ne serai pas disponible pour créneau. La crèche est en effet fermée la nuit, c’est vraiment bête !

L’entretien fut bref et s’est soldé par une ineptie qui caractérise tellement ces vrais-faux entretiens (cf E comme https://annaploime.wordpress.com/?s=E+comme+entretien) :

« En ce moment, nous ne recrutons pas de nouveaux journalistes-présentateurs. » 
Pas un mot sur mes expériences passées, ni sur mes (éventuelles) compétences. Même pas l’ébauche d’une réflexion sur l’info en continu, ses écueils, voire ses dérives….
Non. Ce directeur n’aura finalement retenu qu’une chose de mon CV : mon statut parental. J’ai 2 enfants. Mon mari aussi. Mais à lui, la question relative à la garde des enfants ne lui a jamais été posée.

Aurais-je dû procréer une fois ma carrière bien lancée et prendre ainsi quelques risques avec mon horloge biologique ? Bien sur que non !

En conférence de rédaction, ce même directeur a dû certainement commander auprès de son équipe de journalistes plusieurs reportages à l’occasion de la Journée de la Femme. Il a dû proposer l’organisation de débats avec des experts et sociologues sur le sujet … Et s’est même probablement targué d’avoir un taux élevé de femmes (jeunes et jolies pour la plupart) parmi ses collaborateurs, sans doute d’ailleurs.

Mais quand même cette question sur la garde de mes enfants. 
Etre une femme … 
Etre une feeeemme comme chantait Michel Sardou déjà très lucide dans les années 80 quand il claironnait « Question salaire, ca ne va pas mieux … celui d’un homme coupé en deux … On les enfume de parité mais qui promet l’égalité » !